Interview par Anne-Sophie PASQUET de Wehobby
Le stress au travail repose sur plusieurs grands piliers que l’on retrouve dans la majorité des situations déclenchant une réaction de stress chez l’individu.
Il est important de se rappeler que le stress est, tout d’abord, une réaction physiologique et hormonale, à ce que notre corps perçoit comme un danger ou une menace, et que c’est notre individualisation de cette réaction qui la rend plus ou moins intense, plus ou moins toxique.
Si je suis une personnalité anxieuse, ma manière de réagir face à un événement stressant comme le simple fait de faire une faute d’orthographe dans un mail, alors que mon manager est un « maître Capello » en puissance, sera amplifiée. Et surtout, ma réaction sera radicalement différente de celle de mon voisin de bureau qui gère toutes les situations avec calme et sérénité.
Stéphane Yaich, Sophrologue et « chasseur de bien-être », nous aide aujourd’hui à comprendre pourquoi le changement nous stress et comment y faire face.
Quels sont les principaux facteurs de stress dans le monde du travail ?
Les stresseurs professionnels s’appuient souvent sur la perte ou l’absence de contrôle, comme lorsque vous êtes totalement dépendant(e) de prestataires, de sous-traitants ou d’autres services. Lorsque vous travaillez en mode projet, et que vous êtes dépendant(e) des autres acteurs du projet, vous vivez du stress. Avoir le contrôle sur une situation, et ce qui est plus étonnant encore, avoir le sentiment de contrôler une situation, fait baisser votre niveau de stress.
L’imprévisibilité des événements vous apporte également son lot de situations génératrices de stress : le bug informatique, un retard d’approvisionnement, une surcharge de travail non planifiée, la demande urgente d’un client qui bouscule le planning, le bourrage papier dans le copieur au moment de sortir le dossier qui doit partir au courrier avant midi… Mais, les imprévus sont inventifs et ils savent nous surprendre au moment où nous nous y attendons le moins.
Lorsque j’étais responsable d’une agence d’événements, l’imprévu faisait partie intégrante de mon quotidien : pannes techniques, grèves de transport, intoxication alimentaire d’un journaliste au moment de monter sur scène… Et même si, pour les avoir souvent déjà vécues, j’étais préparé à ces situations de crise, je n’avais aucune technique pour gérer mes réactions à ces situations, comme la sophrologie ou la pleine conscience.
Mais, la palme d’or du meilleur « facteur de stress », tant dans la vie professionnelle que dans la sphère personnelle, revient sans aucun doute au changement.
Pourquoi le changement engendre tant de stress ?
L’être humain, par nature, a une préférence pour la stabilité et pour ce qui est prévisible. Or, notre vie est jalonnée de changements majeurs tels que le mariage, la naissance du premier enfant, un déménagement, un divorce… D’ailleurs, ces situations de changement sont souvent des points de repère auxquels nous nous accrochons inconsciemment.
Dans les entreprises, nous avons tous connu des changements plus ou moins impactants. Il y a les grands changements : acquisitions, restructurations organisationnelles, changements de nom, d’identité visuelle, déménagements… et il y a les multiples petits changements du quotidien.
Tous ces changements sont devenus des constantes dans la vie d’une entreprise et leurs conséquences sur les salariés, et sur les managers également, sont pourtant très variables.
Le changement obéit à un certain nombre de mécanismes psychologiques.
La réaction au changement se définit comme le stress : c’est la réponse d’adaptation de l’individu face à une situation nouvelle qu’il perçoit comme une menace, que le changement soit majeur, comme le rachat de mon entreprise, ou mineur, comme le changement de mon ordinateur. Et comme pour le stress, nous ne sommes pas tous égaux face à une situation de changement.
Pourquoi ne réagissons nous pas tous de la même façon face au changement ?
Un changement est perçu en fonction des intérêts de la personne qui le vit : qu’est-ce qu’elle y gagne ou qu’est-ce qu’elle risque de perdre ? Et sa réaction au changement sera conditionnée par la perception que cette personne en a, que cette perception soit fondée ou pas.
Le changement induit la peur de l’inconnu, car il est synonyme de doute, d’ambiguïté et d’incertitude. Il provoque la crainte de perdre ce que l’on possède : ses habitudes, son statut, le pouvoir, ses biens matériels, son job et tous ses privilèges…
Dans une entreprise, certaines évolutions ou mutations, perçues comme mineures par le management, peuvent créer une véritable souffrance chez le salarié.
« Avant, je n’avais aucune relation clientèle autrement que par mail interposé et maintenant, je dois appeler les clients par téléphone pour leur proposer de nouveaux services. »
Là où les dirigeants voient de l’innovation, du progrès ou de la compétitivité, les salariés et les managers de première ligne envisagent parfois la situation sous un tout autre angle.
Certains salariés y verront un challenge à relever et y trouveront du plaisir, parce qu’ils se sentaient frustrés par ce mode de relation. Et d’autres, moins confiants dans leurs capacités, se sentiront incompétents pour cette nouvelle mission.
En fonction de ce qu’ils percevront de leurs ressources personnelles, ils accepteront ou non cette évolution de leur métier. Et cela peut se traduire par une résistance plus ou moins passive, voire par un évitement inconscient de la nouvelle situation, (la relation clientèle par exemple) qui peut se caractériser par le développement de troubles psychosomatiques et de multiples arrêts maladie.
Le changement doit être un objet de désir, d’amélioration de l’existant et de satisfaction individuelle avant de pouvoir être perçu comme positif. Et un changement non désiré devient un danger tant pour le salarié que pour l’entreprise. D’où la nécessité pour le management d’accompagner et de conduire le changement.
Lorsqu’on est manager, ce qui était mon cas, notre vision du changement est souvent faussée par notre manière d’envisager ses conséquences ou par notre incapacité à nous mettre dans la peau de ceux qui vont vivre ou subir ce changement.
Le changement, ça fait mal !
C’est une réalité qu’il est essentiel d’intégrer avant de mettre en œuvre un processus de transformation qu’il soit fonctionnel ou structurel. Son impact sur le mental des individus soumis à cette transformation peut avoir des conséquences insoupçonnées.
Lorsqu’une entreprise décide de réduire le nombre d’imprimantes dans le but de limiter, à la fois les coûts, et son impact écologique, sans associer les salariés à la motivation de cette décision, l’effet peut être désastreux : « on réduit les coûts. Donc, on va mal ! », « on m’enlève mon imprimante pour me faire partir ! », « avant je pouvais imprimer en toute confidentialité, maintenant tout le monde va voir ce que j’imprime… »… Chaque individu, à son niveau, réagit différemment en fonction des filtres qu’il place entre la situation réelle et sa vision très personnelle du futur. Un petit changement peut générer de grandes conséquences : démotivation, perte de confiance en soi, perte de confiance dans le management, ou même dépression.
Le changement n’est pas un levier de commande sur lequel le pilote de l’avion appuie pour opérer un virage, aussi faible soit-il, ou un soudain changement d’altitude, sans se soucier des réactions des passagers en cabine qui n’y sont pas préparés. Certains n’ont pas bouclé leur ceinture, d’autres sont debout, en train de se déplacer, et certains anxieux, sont restés assis et attachés, en cas de turbulences.
Est-ce que cela veut dire que ceux qui se retrouvent par terre n’avaient qu’à s’accrocher et s’adapter au changement ?
Comment accompagner le changement ?
Pour que la moindre évolution ne soit pas vécue comme une Révolution, il est important pour le salarié de prendre conscience de la réalité de la nouvelle situation, pour ne pas le laisser se focaliser sur une vision très subjective, et souvent assombrie, du changement à venir.
Un travail de pensée positive permet de changer son mode de fonctionnement.
Lors d’ateliers de coaching collectif, il peut apprendre à écarter ce qui le stresse et ce sur quoi il n’a aucune prise. Il apprend ainsi à relativiser et à lâcher prise pour se libérer de ses stresseurs subjectifs ou internes.
En apprenant à prendre de la distance face à ce qui le stresse, l’individu peut passer, en conscience, de la résistance à l’engagement, et de la tension nerveuse à l’accueil serein du changement.
Les techniques de sophrologie, d’acceptation positive, et de pleine conscience viennent compléter les techniques d’accompagnement du changement.
Grâce à ces différentes méthodes, les passagers de l’avion resteront calmes et sereins, sans être perturbés par les turbulences et par les changements de route auxquels ils auront été préalablement préparés. Et le pilote, et tout son équipage, pourront voir des passagers souriants profiter pleinement du voyage.